Il est tard et j'ai peur. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai peur. Peut être parce que je n'avais pas récupérer l'argent prévu et il n'allait pas aimer ça. Je tremblais rien qu'à l'idée de rentrer lui ramener l'argent. Dans quoi je m'étais embarqué? J'en savais rien, mais je savais que mon père serait déçu et j'imaginais déjà la tête de mon frère s'il avait été là. J'allais dire à mon chef que j'allais partir, que je ne voulais plus rien faire. C'était ma dernière livraison et je rentrer chez le boss. Je posais l'argent sans rien dire comme d'habitude, comme il le souhaitait. Et puis alors qu'il était avec ses amis ( ce que je supposais), je lançais :

"Je ne veux plus faire ça, j'arrête... "

Je l'avais dit mais je flippais vraiment. Le courage d'un prince, tu parles. Je n'étais qu'un abruti qui flippait.  Et j'avais de quoi. Parce qu'il se leva, alla compter l'argent et il vint vers moi. Il avait l'air en colère, très en colère. Il m'accusa de vol d'argent et  que je m'étais servi durant la livraison. Et il commença à me frapper en hurlant que je n'avais pas le droit de partir parce que je devais le rembourser. Si je voulais, j'aurais pu le payer tout de suite, mais ce serait révéler mon secret. Et je ne voulais pas. Alors je le laissais me tabasser, jusqu'à ce que je crache du sang. Et vous me pensez digne d'avoir une couronne sur la tête, après tout ça? J'eus de la chance de pouvoir encore rentrer à l'université. Bien que j'en eusse pas envie maintenant. Il me jeta dehors littéralement en hurlant que j'avais une semaine pour le rembourser et qu'il m'attendait demain.

Le visage en sang et tuméfié, je pris la route de Princeton, mais je m'arrêtais en chemin au parc. Je ne voulais pas rentrer. Alors que j'étais seul en pleine nuit, je me mis à pleurer. Le contre-coup peut être. Je n'en savais rien mais je ne pouvais pas m'arrêter. Dans quoi je m'étais embarqué franchement. Je m'en voulais énormément et je regrettais déjà d'être venu ici. Je me traînais jusqu'à un banc et je m'y asseyais, tout en grimaçant. Si je pouvais, je partirais dès maintenant, je fuguerais à travers les Etats-Unis. Et si je le faisais? J'avais envie . J'essayais de me lever pour partir dans la direction opposée de l'école. Oui, j'allais le faire maintenant.

Je voulais partir bientôt, en fait, je voulais partir maintenant mais soudain je me fis soudainement secoué comme un prunier par une force encore inconnue puis le son de sa voix me donna l'idée sur l'identité de cette force. Léandre. Mon frère était là? Surpris, et inquiet en même temps, je bafouillais :

"Léandre... Léandre... c'est rien... lâche moi... je dois y aller..."

Je ne voulais pas lui dire, je crois que j'étais encore capable de me défendre tout seul. En fait, je voulais pas qu'il sache pour moi, parce que s'il était là, c'était pas sans raison. Mais j'étais encore trop choqué pour lui demander la raison de sa présence. Je le fixais et je répondis :

"C'est personne, je suis simplement tombé... tu sais que je suis maladroit..."

Je touchais ma mâchoire endolorie, et je fixais le sol, sans rien dire de plus. Je luttais contre les larmes, et même si avec mon frère ça pouvait être glacial, j'étais bien content qu'il soit là. Je restais contre lui et malgré que je voulais lutter contre les larmes, elles coulèrent d'elles même. Mais mon projet de fuir n'était pas en reste. Je voulais fuir encore et toujours mais accroché à mon frère et laissant mes nerfs partirent en vrille, ce n'était pas ce soir, ou du moins pas encore maintenant que j'allais fuir. Sa présence me rassurait énormément mais plus jamais je ne voulais retourner à l'université et ni même continuer ce que j'étais obligé de faire. Je ne voulais rien de tout ça.

Je continuais de sangloter contre mon frère. Et je ne voulais pas qu'il me voit dans cet état mais c'était trop tard. C'était trop tard pour tout. Même pour faire bonne figure devant lui, c'était trop tard, je n'étais qu'un sombre idiot incapable de se maîtriser. Et c'était moi qui avait été choisi pour être roi, je ne comprenais pas la raison de mon père. Pour moi, c'était Léandre, l'héritier naturel, j'avais rien demandé. D'ailleurs je lançais:

"Léandre... j'ai rien demandé à notre père... je te le jure... "

D'un seul coup, je palissais. Il savait. Non, la honte et la déchéance s'abattit sur moi comme un coup de massue. Les seules forces que j'avais me lâchèrent. Non, ce n'était pas possible. Comment pouvait il savoir? Mais en fait, je m'en fichais, je me fichais de tout. De lui, de ce qui allait m'attendre demain,de la drogue que je livrais, de notre père, de mon fardeau. De cet avenir tout tracé qui pouvait s'accomplir d'un moment ou un autre. De mon envie de casser cet avenir pour faire ce qu'il me plaisait. Mais non, j'étais là, silencieux, repensant à toutes les paroles de mon frère. J'agissais pas en futur roi, et alors?En ce moment, je ne pensais pas trop à ça et je lançais même :

"Et alors? J'emmerde mes origines de bourge royal... Ouais je livre des choses ... je suis normal.... bordel... j'ai essayé de partir .. tu comprends, j'ai essayé et maintenant je dois rembourser ma dette envers lui... Il croit que je lui ai volé son fric..."

Un rire nerveux me prit et je fixais mon grand frère de nouveau. J'avais envie de lui crier dessus, j'aimais pas son regard noir et son envie de jouer les pères avec moi. J'étais pas son fils mais son frère. Mon regard, bien que douloureux devint noir et je repris :

"Comme si j'avais besoin de fric... j'ai besoin de rien que de vivre tout seul sans personne... aucune responsabilité, rien... Comme quand je partais plusieurs jours sans rien dire à personne.. c'est ça ma liberté... Alors fais ce que tu veux, préviens notre père que son fils qui doit hériter de la couronne deal comme tu le dis si bien...Prend cette couronne... et mets toi là où je pense..."

Je ne tenais plus que par les nerfs qui étaient à fleur de peau. Autrement dit, je n'étais plus moi. Mais qu'importe, j'avais l'impression que dire ça, me soulageait un peu.

"Ta gueule mais ferme là.. tu ne sais rien du tout..."

Les mots venaient jaillir de ma bouche et mon regard se durcissait. Il venait jouer le grand frère moralisateur alors qu'il ne savait rien du tout de toute la situation. Je grondais alors :

"Tu sais quoi? Tu ne sais pas pourquoi je ne veux pas utiliser le fric de notre famille... Tu insinue que je suis qu'un petit con? Mais alors toi t'es quoi? Un grand con peut être? Je sais à quoi tu joue.. tu rages que notre père te trouves pas assez bien pour être roi? "

Je tapais là où ça faisait mal pour qu'il voit ce que je pouvais ressentir. Il ne comprenait donc pas pourquoi je faisais tout ça. Je crois que même moi je ne me comprenais plus. Je fixais de nouveau mon frère, j'avais honte de moi, très honte de moi d'avoir joué les méchants. Je m'éloignais de mon frère, honteux. Et je m'asseyais sur ce banc. Ce rôle de méchant ne m'allait pas très bien. Je fixais le sol, soupirant et d'une petite voix, je lançais :

"Excuse moi, Léandre, je ne voulais pas te blesser... Mais j'ai pas envie qu'ils sachent ce que je fais... j'ai pas demandé à plonger la dedans... j'ai juste cru naïvement ce qu'on me disait... Ca me fait peur, tu comprends? Ils sont brutaux... et on ne peut pas les quitter... J'ai essayé et j'ai échoué.... maintenant, je n'ai plus qu'à fuir... Ils ne me retrouveront jamais, si je fuis.."

J'avais encore plus honte de moi si c'était possible. J'avais envie de creuser un trou et de m'y enterrer à tout jamais. Je repris :

"Laisse moi grandir à mon rythme.. j'ai 19 ans, j'ai toute la vie devant moi avant d'avoir des responsabilités... est ce qu'on critique le prince d'Angleterre quand on le voit complètement bourré dans les magazines people? Moi je fais tout en secret, je ne dis rien à personne.. je n'étale pas notre nom et notre vie partout... mais je veux pas être adulte avant l'heure....Tu veux que j'agisse comme un futur roi? Mais on se moquera encore plus de moi que d'être quelqu'un de banal... Et toutes ces filles qui voudront être à mes côtés parce qu'elles auront appris qui j'étais... Je suis un roi, certes, le roi des cons, mais j'en ai rien à foutre.. je serais fier de régner sur le royaume de la connerie... tu as eu mon âge, tu sais ce que c'est... Toi tu te comporte comme un vieux, on dirait notre père... "

J'écoutais et je regardais mon frère. Il s'excusait? Je fus surpris, en plus il rejetait la faute sur lui. Alors que c'était principalement ma faute. Je le regardais de nouveau avant de dire :

Arrête! Rien n'est de ta faute, tu ne m'as pas obligé à venir ici, tu ne m'as pas obligé à agir comme un con en allant me fourrer dans  n'importe quoi... Tu m'as obligé en rien... Toi t'es plus réfléchi, plus mature, plus digne d'être roi... que moi... moi, qui ne veut pas grandir, moi qui ais peur de devenir adulte...

Je disais enfin ce que je ressentais au plus profond de moi. Oui, j'avais peur de devenir adulte. J'avais peur de  voir la réalité en face.Si je grandissais et je devenais adulte, j'allais avoir des responsabilités, et j'allais forcément décevoir ma famille. La preuve en soi, c'était que je l'avais déjà fait. Je voyais déjà l'air déçu de mon père et de ma mère s'ils apprenaient pour tout ce que je faisais ici.  Mon frère avait raison, je n'étais qu'un petit con. Je soupirais, et je lançais:

Préviens papa que je renonce... c'est pas moi l'héritier parfait, c'est toi... Imagine le scandale si les gens venaient à découvrir ce que je fais ici.. C'est bête à dire mais je me suis foutu tout seul dans un truc... toi tu veux m'aider à m'en sortir.. t'aurais pu m'enfoncer, en profiter pour me piquer cet héritage... C'est toi le vrai et digne héritier de notre père, dans cette histoire...

Je m'asseyais sur le banc, résigné. Pendant deux secondes, j'imaginais la situation inverse. Léandre héritier, et moi, rien du tout. Je pouvais comprendre qu'il pouvait ressentir tout ce qu'il voulait. Il était l'aîné et il n'avait rien. J'étais le petit dernier et je faisais connerie sur connerie, au lieu de montrer que j'étais digne. Je regardais mon frère de nouveau avant de lui dire:

Merci d'être là pour moi... ça me rassure... Je ne veux pas grandir, pas tout de suite... j'ai trop peur de tout...