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«
50$ si t'arrives à choper la blonde là-bas. » Tête relevée et regard tourné en direction de la demoiselle se trouvant pile dans ma ligne de mire, je me permis un rictus avant de me pencher en direction de Jay, mon meilleur ami. «
50$ pour une fille pareille ? Je cracherai le double mon vieux. » Jay me dévisageait un instant avant de m'offrir une poignée de mains chaleureuses. «
Va pour 100. Bon courage man. » Du courage ? En avais-je vraiment besoin pour aller séduire une fille ? Il me suffisait de sourire ou bien de passer une main assurée dans mes cheveux pour qu'elles ne tombent toutes à mes pieds. Si j'en faisais trop ? Oui, c'est vrai. Je me croyais irrésistible, le Batman de la drague et pourtant, je n'étais qu'un étudiant de vingt-six piges qui cherchait en vain à sa caser ou à se taper une fille pour la soirée. Alors bien sûr que j'arrivais à emballer des filles - et pas seulement des filles faciles - comme celle que Jay m'avait demandée d'aguicher. Ce gars-là était mon meilleur pote et c'est avec lui que j'effectuais les paris les plus tordus, les plus déjantés, les plus cons en gros. De toute mon enfance, j'avais jamais connu un gars aussi sensé que lui. Il avait vécu une enfance difficile et au lieu de plonger et de toucher le fond, il s'était réfugié dans le catéchisme, comme pour se soigner. Mais ça n'en faisait pas un enfant de cœur, loin de là même. «
Je reviens, attends moi dehors. » Ah oui, j'en avais complètement oublié la jolie blonde que j'avais réussi à approcher. Elle s'appelait Cassie - cf Cassandra - Je m'étais débrouillé pour l'aborder tout en douceur, lui parlant de mes études de médecine, de mes passions et, suite à sa demande, je lui ai même chanté le refrain d'une chanson de Ed Sheeran - mais je crois qu'à ce moment-là, j'ai du passer pour un con - «
D'accord, je t'attendrais. » Nouveau sourire enjôleur suivi d'une tape bien placée en-dessous du coccyx ; j'allais remporter mon pari, c'était une évidence. J'avais fini par me pointer dans la ruelle jouxtant le club, non sans envoyer un message à Jay pour l'avertir qu'il devait sortir le pognon. Je patientais donc, seul et complètement gelé - puisque les températures avaient considérablement chutées durant la nuit - jusqu'à ce que la porte de derrière ne s'ouvre. Deux hommes, la trentaine bien passée, plutôt baraqués - largement plus que moi - s'engouffrèrent dans le chemin pour me faire face. L'un deux portaient un blouson en cuir à la Grease, l'autre avait le crâne rasé et des tatouages sur ses avants-bras et sur son crâne dégarni. «
Hey James, j'crois qu'on a trouvé notre gars. » «
Il nous a parlé d'un brunet, un peu barbu. Raphaël, c'est bien toi ? » Immobile, je restais béas à les fixer l'un comme l'autre. Que me voulaient-il ? Ces molosses semblaient se charger de la sécurité mais faisaient également le nettoyage d'individus leur apparaissant comme suspects apparemment. Etait-ce mon cas ? «
Je peux vous aider peut-être ? » Mon sourire était crispé tout comme mes jambes qui s'évertuaient à reculer à mesure que les deux hommes s'avançaient vers moi. «
Oh, mais faut pas avoir peur. On veut juste te faire comprendre quelque chose. » L'un des types était suffisamment proche de moi pour m'empoigner et me fracasser contre le mur. En cet instant, il m'était difficile de jouer au gros dur ; pourtant, gardais-je tout de même cet air inquisiteur en leur direction malgré le désespoir qui risquait de se lire sur mon visage. Je ne savais pas qu'elle était la raison de leur venue mais une petite voix me disait que j'allais très vite en connaître la réponse. «
On vient de la part de Larry, tu sais ... Le proprio du club. » Oh oui, ce bon vieux Larry .. Comment allait-il d'ailleurs ? «
Il t'a vu fricoter avec sa fille et ça lui a pas mais alors pas du tout plu. » Je vous passe les détails de la scène suivante. La seule chose dont je me souvienne fut la menace de l'un des deux gars «
T'approches plus de Cassandra ou on te retrouvera et on te fera la peau pour de vrai, la prochaine fois. » J'avais perdu connaissance peut-être une fraction de secondes. Jay m'avait ramassé - à la petite cuillère - avant de m'emmener chez lui - et non à l'hôpital car j'avais refusé -
Résultat : arcade sourcilière + lèvre inférieure fendues et/ou ouvertes, côtes froissées, entorse au poignet gauche ... Sans parler de mes habits à moitié tachetés de sang et des 250$ qui avaient mystérieusement disparus de mon porte-feuille. Bref, j'avais pris une sacrée dérouillée par des types qui avaient certainement été payés des clopinettes pour régler mon cas. Mais le pire dans tout ça, n'était pas que j'ai eu droit à la raclée du siècle ; non, le pire fut que la fille dont j'avais cru percevoir la sincérité et la franchise ne m'ait même pas donné son véritable prénom ! Au final, les femmes étaient toutes les mêmes, que des
biatchs en puissance.
Janvier
2012. «
Monsieur Woodstock ? » Aucune réponse. «
Monsieur Woodstock, voulez-vous bien cesser de dormir et me parler de notre sujet d'étude actuel ? » Toujours rien. «
Je vois, nous allons devoir employer la méthode forte. » Les nuages blanchâtres s'estompaient peu à peu autour de moi tandis qu'un bruit strident me fit réagir et me réveilla en sursaut, par la même occasion. «
Ca a fait son petit effet. » rétorqua cyniquement mademoiselle Woodstock tout en laissant retomber son sifflet soigneusement attaché à son cou. «
Monsieur Woodstock vient de battre son record de la fois précédente ! Plus de vingt minutes de sommeil, impressionnant ! » Je sentais parfaitement l'ironie qui émanait de sa voix. Bâillant aux corneilles, je me permis même quelques étirements avant de cligner à plusieurs reprises des paupières - histoire d'avoir les idées plus claires, probablement - «
Si les cours de sexologie ne vous intéressent pas, je vous raye de cette option. » La sexologie ... J'avais pris ce cours en option dans le simple but d'obtenir quelques points supplémentaires à mes examens de fin d'année. Sauf que ces cours s'avéraient inintéressants au possible - vu que j'étais déjà un expert en la matière -. D'autant plus qu'ils tombaient très mal sachant qu'ils se déroulaient un vendredi matin et que, la veille, j'assistais généralement à des soirées de fraternités. Difficile donc pour moi de faire abstraction de ces événements et par conséquent, de resté éveiller suffisamment longtemps pour entendre les plaintes de cette vieille harpie. «
Je vous rassure madame, je connais l'anatomie des êtres humains par coeur ... Surtout celle de la gente féminine. » Ma petite blague eut le don de faire rire l'assemblée - la quinzaine d'étudiants en gros - mais ne permit pas d'entailler le mur qui apparaissait depuis le début de l'année scolaire entre Madame Hursley et moi-même. «
Ca suffit ! Puisque vous le prenez sur le ton de la plaisanterie, je vous ordonne de quitter mon cours. Et j'expliquerai le pourquoi du comment à notre doyen, ne vous faites aucun soucis là-dessus. » Un sourire méprisant s'afficha sur ses lèvres tandis que je l'observais, muet et impassible. «
Vous testez votre humour sur moi pour voir si ça compte me faire effet, c'est ça ? » «
Absolument pas. Dégagez. TOUT DE SUITE ! » Elle n'avait pas eu besoin de me le répéter que deux minutes plus tard, je me retrouvais exclus du cours, à errer dans les couloirs. Je songeais à Jay qui devait être peinard à roupiller dans son lit, à mes frères/soeurs de fraternité avec qui je m'étais une fois de plus, très bien amusé hier, au job de serveur pour lequel j'avais postulé, au café du coin et aussi à cette blondinette qui hantait depuis quelques temps maintenant mes pensées. Ma vie était plus ou moins réussie mais j'espérai tout de même que je n'allais pas tout faire foirer dans le futur.