Docteur, pourquoi je suis ici? Je vais bien, je suis normal. Je n'ai plus peur de l'école. Docteur, dites le moi, je ne suis pas fou, n'est-ce pas? Les professeurs m'ont toujours terrifiés, je les vois toujours tel de grands monstres sortis de nulle part. Une fois j'ai voulu me battre contre l'un d'entre eux mais j'ai fini à l’hôpital. Ils ont dit que j'avais besoin de repos. Et quand il m'a attaqué, personne n'était là pour me défendre docteur. Je ne vous dirais pas son nom, ni même ce qu'il fait. Il m'a juste fait mal, tellement mal que je m'en souviendrais toute ma vie. Docteur, j'ai honte, tellement honte et pourtant je le croisais tous les jours. Et tous les jours, je me retrouvais à l'infirmerie avec une grande crise d'angoisse. Je n'étais qu'un collégien. Un collégien qui n'avait rien demandé à personne. Mais peut être vous voulez qu'on remonte plus loin?

Je ne viens pas d'une famille aisée, ni même pauvre, on est normal quoi. Mon père est inspecteur de police, mon grand père l'était avant lui et mon frère est en école de police. Vous avez compris, c'est de famille d'être dans la police. C'est tout naturel que depuis que je suis né, chaque année, j'ai un cadeau qui rappelle mon avenir tout prédestiné. Non pas que ça m’intéresse pas, au contraire je trouvais ça passionnant depuis que j'étais tout petit. Dans ma famille, c'était tous des héros pour moi. Pourtant, je n'arrivais pas à parler de mes problèmes à l'école. Oui, docteur, vous voyez comment je suis contradictoire dans ma vie. Mon père avait décidé en cadeau pour mon passage en deuxième année de collège, que j'aille en pensionnat pour garçons. Un pensionnat strict qui prônait l'excellence et la réussite de ses élèves. Ce défi ne me faisait pas peur mais la discipline très stricte et à l'ancienne me fit avoir ma première crise d'angoisse à 12 ans. On avait des profs très stricts, d'autres étaient plus gentils. Mais il y en avait un, qui paraissait gentil, qui semblait m'aimer, et qui m'aimait un peu trop. Tous les soirs, il voulait que je reste, soit disant que j'avais des difficultés dans sa matière. Il m'invitait même des fois chez lui. Il me disait que je lui rappelais son fils qui était mort, que j'étais le plus brillant de tous ses élèves et la première fois, il m'embrassa sur la bouche. Comprenez-moi que j'étais surpris et que je fus incapable d'avoir une réaction et de le repousser.

La deuxième fois, sa main se balada partout et je commençais à avoir une réaction de rejet et de dégoût. C'est peut être à partir de là que je voyais les profs comme des monstres. Avec toute leur autorité, et leur impression de pouvoir sur les élèves. La nuit, je commençais à faire des cauchemars. Pourtant, j'étais loin de Genève, et loin de mon père et de ma mère. Mais dans ma tête, je ne devais rien dire, parce que tout le monde me prendrait pour un menteur. Je me suis vite rendu compte que l'être humain s'en fout du malheur des autres. Un de nos camarades avaient perdu ses parents, et tout le monde l'ignorait ou se moquait de lui. Mais moi, je m'en rapprochais.Il s'appelait Syriel et il devint mon meilleur ami au fil du temps. J'aurais voulu le mettre au courant du pourquoi je n'étais pas là, certains soirs, soirs qui devenaient tous les jours. Je voulais lui dire que je subissais le trop plein d'amour d'un professeur mais je n'y arrivais pas.

Heureusement pour moi, il fut muté en cours d'année sans qu'on en sache la raison. Mais il partit avec une chose que je n'aurais jamais voulu qu'il prenne. Mon innocence. Ce fut à partir de là que je décidais que plus jamais je ne me laisserais faire. Lors de ma première relation avec une fille, je voulais absolument tout commander, mais dès qu'elle a voulu aller plus loin, je la plaquais en la traitant de tous les noms et surtout de fille facile.

Mes années lycée, je les passais dans un lycée classique, non loin de chez moi, crises d'angoisse oblige.Je suis resté silencieux sur ce qui c'était passé. Mais plus ça allait, plus j'avais envie de gifler toutes ces filles qui ne pensaient qu'à coucher et tous ces mecs qui osaient s'approcher de moi.  Mais je continuais à avoir des résultats corrects pour pouvoir quitter l'enfer du lycée. J'étais classé comme le garçon qui jetait les gens comme un mouchoir. Mais je m'en fichais bien. Mes parents et mon frère ne comprenaient pas mon attitude. Ils ne comprenaient pas grand chose en fait, je gardais au fond de moi, l'ancre qui me rattachait au fond du gouffre. Alors quand je leur annonçais que j'allais étudier aux Etats-Unis, ma mère éclata en sanglots et mon père me demanda pourquoi je ne voulais pas étudier à Genève. Je voulais fuir, maintenant que mes crises d'angoisse s'espaçaient, je voulais aller voir ailleurs, voir si j'étais capable de tourner la page.

Maintenant que je suis à l'université, que cette histoire avec ce prof a maintenant dix ans tout pile, j'essaye de tourner la page. Bien sûr que je suis méfiant, bien sûr que je n'ai jamais rien dit. Mais je suis aux Etats-Unis, je suis loin de lui, à tout jamais. Je me suis reconstruis mais ce secret est tellement lourd à porter qu'un jour, il risque d'éclater. Et ce jour là, j'aurais tout à refaire.

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